dimanche 15 mai 2011

L’UNICEF félicite Nouakchott Info

13:21



Christian skoog, Représentant de l’UNICEF en Mauritanie, a adressé une lettre de félicitation au Directeur de Publication de Nouakchott Info. Objet de ces félicitations : l’article « les filles placées, elle souffrent de l’esclavage et du silence.» ()

En son nom et au nom de l’UNICEF, Christian Skoog a félicité Nouakchott Info pour cet article signé par Khalilou Diagana. Il a écrit que « le rôle des médias dans le plaidoyer est primordial pour qu’une prise de conscience salvatrice émerge et ancre le respect des droits humains. »

Cet article, selon lui, va dans le sens de l’effort collectif que mènent le gouvernement mauritanien, la société civile et les organisations pour le bien être de l’enfant mauritanien.
Le Directeur de publication de Nouakchott Info remercie le représentant de l’UNICEF pour l’intérêt porté à cet article et pour toutes les actions de son institution en faveur des enfants mauritaniens.

L’auteur de l’article, Khalilou Diagana, lauréat du prix Habib Ould Mahfoudh pour la liberté de la presse, a signé une série d’articles sur les filles placées, les enfants conjointes, les talibés mendiants…




12 février 2008 : Les fille placées : Elles souffrent de l’esclavage et du silence

«Toute personne qui prive un enfant prétendu esclave de la scolarisation en le transformant en esclave est punie d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 50 000 à 500 000 ouguiyas.» Article 07 de la loi portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes. La campagne de sensibilisation sur cette loi bat son plein à l’intérieur de la Mauritanie. A Nouakchott, dans beaucoup de familles, les filles placées, privées d’école, souffrent de l’esclavage et du silence.

Aminata, a neuf ans. Elle est la quinzième fille d’une famille polygame de quinze enfants. D’un village reculé de la vallée du fleuve Sénégal, elle a été envoyée par sa mère à une de ses lointaines tantes résidant à Nouakchott. Comme toutes les filles placées, elle se réveille à six heures.

Pendant que les enfants de sa famille «adoptive » se préparent à aller à l’école, Aminata leur prépare à manger. Pendant qu’ils suivent les cours en classe, elle balaie, nettoie les carreaux, fait le linge et d’interminables aller retour entre la maison et la boutique. Quand les enfants de sa tante s’amusent, Aminata travaille. Quand ils regardent la télé, elle cuisine. La tante, son mari, ses enfants, les visiteurs…elle est au service de tous.

Tant qu’il y a une course ou un travail à faire, elle ne ferme pas l’œil. Aminata se réveille avant toute la famille et se couche la dernière. » Le salaire de Aminata : quelques forfaits versés à sa mère par sa tante.

La traite des personnes, selon le protocole de Palerme du 25 décembre 2005 est un «processus par lequel un enfant est recruté, déplacé de sa zone d'origine (à l'intérieur ou à l'extérieur d'un pays) vers une autre destination dans des conditions qui le transforment en valeur marchande ou à des fins d'exploitation ».

Victime de la traite

Aminata a été transférée d’un lieu (son village) vers un autre Nouakchott). (Le moyen utilisé : l’exploitation de sa condition d’enfant pauvre et vulnérable. La convention entre les parents de la fille placée et sa famille d’accueil est tacite. « Je vous donne ma fille et vous me versez une petite somme quand vous voulez. » Parfois, il n’y a aucune contrepartie. De pauvres familles livrent leurs fillettes qu’elles ne peuvent plus nourrir en espérant qu’elles vivront heureuses avec leurs patrons. Une sorte d’effroyable troc : l’esclavage à la place de la pauvreté matérielle.

Les parents des filles placées sont généralement «castés » ou descendants d’esclaves issus de milieux ruraux pauvres et vulnérables. En contrepartie de sommes modestes, Ils confient leurs filles aux familles supposées nanties et «nobles » des grands centres urbains.

Le sort fait aux filles placée est une infraction à la nouvelle loi portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes. La fille placée, souvent mineure, est privée d’école. Elle travaille du lever au coucher du soleil. L’esclavage, ce n’est pas seulement dans le adwabas, les palmeraies ou derrière les troupeaux de chameaux. Parfois, le drame a lieu dans l’appartement des voisins.

Un drame « normal »

Le recours aux filles placées (violation de tous les droits de l’enfant) est tellement répandu en Mauritanie, tellement banalisé qu’une application effective de la loi enverrait de nombreuses « respectables » familles en cours d’assises. Le caractère privé du phénomène des filles placées est un obstacle à tout contrôle. A première vue, une fille placée est comme un enfant de la famille. Le drame qu’elle endure fait partie de la normalité ambiante.

Les filles domestiques, âgées généralement de 10 à 15 ans, sont privées de loisir, d’école et de l’affection de leurs parents. Cette misère affective, les pousse souvent, vers 14 ou 15 ans, dans les bras du jeune mécanicien ou menuisier du coin. La suite, c’est une grossesse précoce non désirée et leur renvoi au village d’origine où elles vont accoucher d’un mort né et d’une fistule obstétricale.

Au cours des plénière consacrées au projet de loi portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes, les honorables députés ont demandé plus que le vote d’une loi. Ils ont plaidé pour des mesures économiques d’accompagnement et une sensibilisation de grande envergure visant le changement des mentalités. Avant de faire le voyage des adwabas, de la brousse lointaine pour la sensibilisation, les représentants du peuple, de la société civile et de l’Etat doivent jeter un coup d’œil chez leurs voisins. Histoire de voir s’il n’y a pas de petites esclaves qui y souffrent en silence.

Khalilou Diagana
khalioubi@yahoo.fr


Texte et Photo Nouakchott Info

17:55 SENAF 2008 : La création doit être spontanée et non commandée


En présence du premier ministre, de plusieurs membres du gouvernement, de plusieurs personnalités du monde de l’art, la grande salle de l’ancienne maison des jeunes a été, dimanche 23 Juin, le théâtre de la cérémonie d’ouverture de la SENAF 2008. Quelques morceaux choisis des différentes allocutions.

Abderrahmane Ahmed Salem ; Directeur de la Senaf : Appel à la liberté créatrice

« La création culturelle est un langage universel qui, lorsqu’elle peut s’épanouir, permet de mieux comprendre et communiquer. Celle-ci n’a de sens que si elle est spontanée et non commandée. L’expression culturelle doit venir de l’intérieur de l’artiste. La culture ne doit pas être un moyen mais une fin.

La culture ne doit pas servir mais on doit servir la culture. C’est ainsi qu’à la Maison des Cinéastes, nous agissons pour offrir aux artistes les moyens de s’exprimer. Pour cela j’appelle à plus de coordination entre les acteurs et les décideurs politiques et civil qui peuvent soutenir le monde de la culture. Coordonnons nos idées, nos énergies, nos initiatives pour être plus visibles.

Ministre de la culture et de la Communication : Mettre en avant la force créatrice

« Cette édition qui va nous présenter plus de quarante films issus de pays différents, se distinguera aussi par la présence de cinéastes internationaux dont la maturité et la noblesse des thèmes qu’ils abordent dans leurs films sont des sources de satisfaction pour les spectateurs. Nous accueillons des figures internationales du cinéma dont la créativité est peu égalée et ce pour notre plus grand bonheur. Nous sommes tous réunis ici pour servir l’intérêt de la mission culturelle et artistique.

Sachez que notre confiance dans l’œuvre cinématographique est grande. Nous plaçons de grands espoirs sur cet art que nous savons si important pour le rayonnement de l’image de la Mauritanie à travers le monde.

La Mauritanie contemporaine possède une civilisation authentique qui constitue un sujet d’inspiration privilégié pour les cinéastes. Est mis en avant la gloire passée de la Mauritanie et son avenir radieux. La Mauritanie et un pays fort de son unité et de sa diversité culturelle, grande richesse nationale.

A l’ère de l’image, le cinéma peut mettre en exergue les dimensions culturelles nationales, l’unité de notre pays. Le cinéma peut mettre en avant la force créatrice de notre peuple, capable de dynamiser la scène au fil des productions audiovisuelles vivantes.


Les Etats se constituent à la plume et au pinceau, au travers d’idées clairvoyantes et du dévouement au travail. Ainsi, la promotion de la culture, son interprétation en tant que source de développement, la projection de la Mauritanie aux mauritaniens et aux autres reste une mission privilégiée que le gouvernement appuie et encourage. Cette mission participe à l’esprit de rayonnement intellectuel en Mauritanie, historiquement pays de brassage des civilisations. Nous devons donner de l’espoir pour redonner vie à la quiétude, la stabilité et la prospérité.

Abderrahmane Sissako, parrain de la Maison des cinéastes : Parler des difficultés d’un pays, c’est l’aimer


« Notre pays a besoin de réconciliation. La réconciliation, c’est donner l’espoir. Et, pour donner espoir, la culture peut jouer un important rôle en faisant comprendre que nous sommes riches de notre diversité. La force de la Maison des cinéastes est dans sa diversité avec des jeunes, humblement, qui se battent au quotidien. Monsieur le Premier ministre, vote présence est un symbole qui nous donne le sentiment que nous ne sommes pas seuls.

Le thème de cette Senaf, le voyage, les migrations, est important et difficile. Ceux qui partent veulent garder une certaine dignité. Pour ceux qui prennent les pirogues et restent dans l’océan, ne mettons pas l’accent sur ceux qui les rejettent. Notre combat doit être ; les aider à ne pas partir. La culture peut jouer ce rôle. Parler des difficulté d’un pays, c’est l’aimer.
»

Partenaires de la SENAF 2008



Toute reprise d'article ou extrait d'article devra inclure une référence à www.cridem.org

Dépigmentation : Claire, belle jusqu'à en mourir.


AL tient une boutique de produits cosmétiques à El Mina, quartier périphérique de Nouakchott. Sur les rayons : Si clair, So clair, Skin light, Marie clair, Vite fait…une gamme variée de crèmes et gels dépigmentant appelée « xessal ».

La clientèle est essentiellement féminine. Pour éclaircir leurs peaux, des adolescentes ou majeures viennent se ravitailler chez AL. Elles n’ont cure des ravages cutanés de ces produits. L’essentiel, c’est d’être rouge pour séduire. «Femme nue, femme noire. Vêtue de ta couleur qui est vie. De ta forme qui est beauté.» Ca, c’est du Senghor.

C’est de la poésie. La vie des clientes de AL est plus prosaïque. Leur combat quotidien : se faire belle, se faire claire pour trouver un mari ou au moins celui qui va prendre en charge le prix du portable, les cartes de recharge, les mèches, les billets de taxi…


Raison de cette hantise de la peau claire : les hommes préféreraient les plus claires. Ce penchant est-il prouvé ? Pas sur. C’est après quelques années de mariage que certaines femmes noires virent au rouge. Histoire de se redonner une seconde « santé » esthétique à coup de movate, tenovate, ou autres.

Autre raison de la dépigmentation : L’assimilation de canons de beauté standards par les africaines. Les miss monde, miss univers, miss Sénégal... en plus de l’extrême maigreur ne sont jamais noires comme celles de senghor. Les modèles de beauté couronnés par tous les medias du monde n’ont pas la même couleur que les femmes Serere de Djoal (village natal de Senghor). L’esthétiquement correct veut qu’une fille, à défaut d’être miss en est certains traits. Les petites de taille, les grosses et très noires ne passent pas les concours de recrutement d’hôtesses.

Visage rouge, pieds noir, barbe naissante


Ce qui pousse les mauritanienne vers le xessel, ce n’est pas le complexe du toubab ou « le traumatisme post colonial ». Dans le fin fond du fouta mauritanien, des filles qui n’ont jamais vu une européenne, même pas à la télé, s’enduisent de xessal chaque nuit avant de dormir. Dans ces milieux reculés, ont entend souvent, à propos d’une femme « thiofdo mballéjo kouroum » (Vilaine excessivement noire) où « dioddo bodejo thioye » (belle et excessivement blanche). Le xessal est donc un moyen pour échapper au sort peu enviable de la « thiofdo ballédjo kouroum.»

Une adepte de xessal avec un teint clair uniforme du visage aux pieds, c’est rare. Le résultat des produits dépigmentant, c’est le visage rouge, pied et mains noires, barbes naissantes. De véritables pingouins du sahel qui, au lieu de séduire, provoquent dégoût chez certains hommes. Les pieds et les mains sont les parties du corps les moins sensibles aux effets des des produits éclaircissants.

Pour les dépigmenter, certaines femmes utilisent de la crème oxydante destinée au « blondage » des cheveux. Pour plus d’efficacité et de rapidité, d’autres mélangent plusieurs produits dans un même tube. Un cocktail chimique qui dégrade la peau à grande vitesse. Les adeptes du xessal n’ont cure des indications ou contre indications.

« Je sais que c’est dangereux pour ma santé mais je ne peux pas arrêter » Dit cette jeune fille au visage complètement grillé. Le xessal est à ses adeptes ce que la nicotine est aux fumeurs ; une véritable drogue. Il se dit également qu’une femme qui abandonne le xessal devient plus noire qu’elle ne l’était avant de commencer.

Les prix des produits utilisés varient entre 200 et 5000 ouguiyas. Pour celles qui travaillent, le salaire y passe presque entièrement. D’autres n’hésitent pas à prendre le traditionnel raccourcis pour s’éclaircir.

Cancer, diabète, hypertension…


A part quelques opérations ponctuelles, les ravages du xessal ne font l’objet d’aucune stratégie de lutte. Le xessal, c’est pourtant l’une des premières causes de consultation chez les dermatologues. Un problème de santé publique ignoré. A défaut d’une interdiction de l’importation de ces produits, leur vente aux adolescentes mineures doit cesser.

Pour dissuader les adeptes du xessal, les « i am black and proud », les poèmes de Senghor, ça passe pas. « La dépigmentation est source de cancer. » C’est plus prosaique, plus dissuasif. « Il a été établi par des spécialises sénégalais que certains produits peuvent provoquer des cancers de la peau.» Les notices des tubes de xessal sont parfois falsifiées. La teneur chimique marquée sur l’emballage est souvent inférieure au pourcentage réel.

Les risques de saignement, chez les femmes enceintes adepte de xessal, sont très élevés. Chez ces femmes, la cicatrisation après césarienne est plus lente. Chez toutes les adeptes de xessal d’ailleurs, la peau soumise à rude épreuve par les produits, perd de son élasticité et de son épaisseur. Ce qui complique chez elles la plus banale des opérations chirurgicales.

Les corticoïdes contenus dans certains produits dépigmentants favorisent le diabète ou l’hypertension. Les complications dermatologiques et les risques sont accentués par l’utilisation de certains produits pharmaceutiques vendus au marché dans des boutiques de cosmétique.

La seule motivation des adeptes du xessal, c’est être belles. Les produits dépigmentants rendent belles ? Peut-être. Ils peuvent faire chopper un cancer ? Oui

KD

mercredi 11 mai 2011

Publicité du tabac en Mauritanie: Rapper à dix ans, chopper un cancer à 30 ans

Le tabagisme, dans une indifférence générale, fait des ravages en Mauritanie. Principale victime du marketing agressif et sauvage du tabac: la jeunesse, cible privilégiée des grandes marques de cigarettes. Le 31 mai prochain, sera célébré la journée mondiale sans tabac. Comme d’habitude, il sera prononcé quelques discours. Les adolescents, clope au bec, continueront à se suicider à petit feu.

En Mauritanie, comme dans beaucoup de pays africains, la publicité du tabac fait carton plein. Les semeurs de mort, face aux nombreuses restrictions en Europe et aux législations antitabac de plus en plus contraignantes, se sont tournés vers les pays tiers monde.

En Mauritanie, pour se produire, les jeunes artistes (chanteurs, rappeurs…) se font sponsoriser par les cigarettiers. En contrepartie d’un appui financier de Marlboro, Malimbo, Congress, American Legend, Gauloises… pendant les spectacles, des jeunes filles très coquettes distribuent cigarettes, casquette, briquets et autres gadgets au public, en majorité, composé de d’adolescents et d’enfants.

Il est fréquent d’entendre pendant ces spectacles à Nouakchott, Kiffa, Kaèdi…, des musiciens, du haut d’une tribune, s’écrier, « qu’est ce que vous fumez ? » Les pauvres gosses répondent en chœur en entonnant le nom de la marque qui a financé le spectacle.

Les associations de jeunes, pour l’organisation de leurs manifestations, font appel aux grandes marques de cigarettes. Cette publicité sauvage et hautement mortelle, rapporte gros. Il n’est qu’à voir le luxueux parc automobile et les nombreux employés mobilisés pour la promotion, pour augmenter le nombre de consommateurs. Plus la publicité du tabac est intense, plus le nombre de fumeurs augmente, plus les cigarettiers engrangent des bénéfices et plus il y a des morts prématurés (30-40 ans).

Selon the Tobaco Atlas 2000 de l’OMS, 30 à 39 % des hommes fument au Maroc et en Egypte, 40 à 49% en Algérie, Cote d’Ivoire, RDC, Tanzanie, Afrique du Sud, 60% et plus en Tunisie, Namibie et Kenya. Le pourcentage en Mauritanie, du fait de la publicité sauvage, est fort probablement supérieure à la moyenne continentale.

Le tabac tue 3,5 millions de personnes par an dans le monde. Si rien n’est fait d’ici 2030, selon l’OMS, il tuera 10 millions de personnes dont 70% dans les pays en développement. Selon la Banque Mondiale, en 2002, les trois plus grands cigarettiers du monde (Japan Tobaco, Philippe Moris/Altria et Bat) ont engrangé à eux trois une somme dépassant le PIB cumulé de 27 pays à faibles revenus.

Le petit garçon de 10 ans qui, pendant un concert de rap, reçoit, des mains d’une charmante empoisonneuse, une clope, va enrichir pendant 20 ans une firme de tabac. A 30 ans, il va chopper un cancer et mourir.

Ratifier pour ratifier

« Nous sommes conscients des dangers du tabac. Mais seuls les vendeurs de cigarettes nous offrent des podiums pour chanter, pour nous épanouir. Les autres ne nous prennent pas au sérieux. » Dit ce jeune adepte du Hip Hop. Les autres, c’est le ministère de la jeunesse, celui de l’éducation…qui laissent la jeunesse aller en fumée.

La Mauritanie a ratifié la convention internationale portant lutte antitabac. Mais, pour cette convention, comme pour d’autres, il semble qu’il s’agit seulement de ratifier pour être à la mode de la réglementation internationale. La convention demande aux Etats parties de prohiber la publicité du tabac à l’endroit des jeunes. Dans les boutiques de Bababé, Guerrou, Kiffa, Nouakchott… des gosses de l’école fondamentale peuvent se procurer des cigarettes et les griller en toute liberté.

La Mauritanie a aussi ratifié la convention internationale sur les droits de l’enfant. Cette convention dit à l’enfant : « Toutes les décisions qui te concerne doivent tenir compte de ton intérêt. Tu as droit à la vie. L’Etat doit assurer ta survie et ton développement. Tu as le droit à la santé ». Vendre du tabac à un mineur, c’est une violation de son droit à la vie, à la santé. Vendre des cigarettes aux gamins de l’école fondamentale est une curieuse façon de se préoccuper de leur intérêt supérieur.



Khalilou Diagana

17:59 Fête du premier mai: Les oubliés du code du travail


Jeudi premier mai, fête du travail, les travailleurs des secteurs publics et privés vont battre le pavé contre la hausse des prix, pour l’augmentation des salaires. Au même moment, les m’bindannes et boys (domestiques hommes et femmes) seront au boulot. Comme des milliers d’autres travailleurs mauritaniens, ils vivent en marge du code du travail et n’ont pas droit à la fête du premier.

Chaque matin, Aida et des dizaines d’autres femmes quittent les quartiers Sebkha et El Mina, traversent la zone militaire et prennent la route de Nouadhibou pour se rendre au fond de Tevragh Zeina. Elles sont employées dans les villas luxes et spacieuses dont rêvent tous le mauritaniens. Aida n’a pas de congé. Elle se repose un vendredi sur deux. Elle travaille de huit heures à dix huit heures. Dix heures par jour, soit soixante dix heures par semaine. Ses tâches ne son pas définies: le linge, la vaisselle, les courses, le thé…



La contrepartie de cette traite: quinze mille ouguiyas. Moins que le SMIG. C’et pourquoi, pour se rendre chez ses employeurs, elle ne peut prendre le taxi. Autrement, les quinze mille y passeraient vite. Aida peut être virée à tout moment. Elle peut être accusée de vol. Comme toutes les m’bidane, elle évolue en marge du code du travail. Elle n’a pas droit au repos hebdomadaire, au congé, au premier mai…

Elle n’a même pas le droit de tomber malade. Quand une m’dindanne chope une fièvre, ses jours d’absence sont automatiquement retranchés de son « salaire ». Une vie à la limite de la traite. Mais, le combat pour la survie, ça conduit presque toujours à mettre la dignité, l’amour propre en veilleuse. Chaque matin, en face de l’Eglise de Nouakchott, des dizaines de femmes, candidates à l’esclavage, attendent, sous le soleil, l’arrivée des contremaîtres.

Elles prennent d’assaut les voitures qui s’arrêtent. «Je suis ici depuis un mois. Je n’ai pas trouvé un employeur.» Dit l’une d’elles. « Non seulement nous poirotons ici toute la journée sans trouver du travail, mais certains nous regardent comme des prostituées prêtes à se faire embarquer.» Ajoute une autre.

Des femmes seules debout dans la rue, ça donne des idées à certains. Une autre domestique de l’église raconte : « L’autre jour, un homme est venu ici pour chercher une m’bindanne. Nous avons discuté du prix par moi et du travail que je devais faire. Je suis montée dans sa voiture pour qu’il me montre sa maison. Je devais commencer le travail le lendemain. Arrivée devant sa porte, il m’a dit que je pouvais venir le voir deux fois par semaine et seulement la nuit. J’ai compris ce qu’il cherchait. J’ai ouvert la portière et je suis retournée à l’Eglise.» C’est humiliant. Mais, c’est le prix à payer pour avoir la chance de sortir du chômage pour s’engager dans la servilité.

Zones grises, zones d’exploitation

Les domestiques évoluent dans les zones grises propices à toutes sortes d’exploitation. Des zones grises appelée pudiquement informel.

Les travailleurs en marge du code du travail, ce n’est pas seulement dans les ménages. En Mauritanie, il existe des boite du secteur privé, avec toutes les apparences de la légalité, dont le personnel exercent en marge du code du travail. Ca coûte moins cher et c’est plus facile à mettre à la porte. Certaines grandes banques de Nouakchott seraient de grandes employeuses de travail au noir. Elles auraient des employés sans contrat de travail, donc sans aucune couverture sociale et sans aucun droit.

Les établissements scolaires privés de Nouakchott sont enregistrés au ministère de l’éducation nationale. Leur personnel a le même traitement que celui des m’bindanne. Les enseignants qui exercent en même temps dans le public et le privé ne se plaignent pas trop. Ils jouissent des garanties offertes par la fonction publique.

Par contre, ceux qui n’exercent que dans les écoles privées sont embauchés comme les domestiques. Eux aussi n’on pas le droit de tomber malade. Chaque heure d’absence, quelque soit le motif, n’est pas payée. Il en est de même des week end, des jours fériés…Les élèves de ces écoles privées, eux, payent les neufs mois de scolarité. Résultat : la masse salariale des écoles est réduite au minimum. En même temps, le nombre d’élèves inscrits et les prix des cours grimpent chaque année.

Khalilou Diagana
khalioubi@yahoo.fr
Le Quotidien de Nouakchott

Les fille placées : Elles souffrent de l’esclavage et du silence

«Toute personne qui prive un enfant prétendu esclave de la scolarisation en le transformant en esclave est punie d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 50 000 à 500 000 ouguiyas.» Article 07 de la loi portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes. La campagne de sensibilisation sur cette loi bat son plein à l’intérieur de la Mauritanie. A Nouakchott, dans beaucoup de familles, les filles placées, privées d’école, souffrent de l’esclavage et du silence.

Aminata, a neuf ans. Elle est la quinzième fille d’une famille polygame de quinze enfants. D’un village reculé de la vallée du fleuve Sénégal, elle a été envoyée par sa mère à une de ses lointaines tantes résidant à Nouakchott. Comme toutes les filles placées, elle se réveille à six heures.

Pendant que les enfants de sa famille «adoptive » se préparent à aller à l’école, Aminata leur prépare à manger. Pendant qu’ils suivent les cours en classe, elle balaie, nettoie les carreaux, fait le linge et d’interminables aller retour entre la maison et la boutique. Quand les enfants de sa tante s’amusent, Aminata travaille. Quand ils regardent la télé, elle cuisine. La tante, son mari, ses enfants, les visiteurs…elle est au service de tous.


Tant qu’il y a une course ou un travail à faire, elle ne ferme pas l’œil. Aminata se réveille avant toute la famille et se couche la dernière. » Le salaire de Aminata : quelques forfaits versés à sa mère par sa tante.

La traite des personnes, selon le protocole de Palerme du 25 décembre 2005 est un «processus par lequel un enfant est recruté, déplacé de sa zone d'origine (à l'intérieur ou à l'extérieur d'un pays) vers une autre destination dans des conditions qui le transforment en valeur marchande ou à des fins d'exploitation ».

Victime de la traite

Aminata a été transférée d’un lieu (son village) vers un autre Nouakchott). (Le moyen utilisé : l’exploitation de sa condition d’enfant pauvre et vulnérable. La convention entre les parents de la fille placée et sa famille d’accueil est tacite. « Je vous donne ma fille et vous me versez une petite somme quand vous voulez. » Parfois, il n’y a aucune contrepartie. De pauvres familles livrent leurs fillettes qu’elles ne peuvent plus nourrir en espérant qu’elles vivront heureuses avec leurs patrons. Une sorte d’effroyable troc : l’esclavage à la place de la pauvreté matérielle.

Les parents des filles placées sont généralement «castés » ou descendants d’esclaves issus de milieux ruraux pauvres et vulnérables. En contrepartie de sommes modestes, Ils confient leurs filles aux familles supposées nanties et «nobles » des grands centres urbains.

Le sort fait aux filles placée est une infraction à la nouvelle loi portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes. La fille placée, souvent mineure, est privée d’école. Elle travaille du lever au coucher du soleil. L’esclavage, ce n’est pas seulement dans le adwabas, les palmeraies ou derrière les troupeaux de chameaux. Parfois, le drame a lieu dans l’appartement des voisins.

Un drame « normal »

Le recours aux filles placées (violation de tous les droits de l’enfant) est tellement répandu en Mauritanie, tellement banalisé qu’une application effective de la loi enverrait de nombreuses « respectables » familles en cours d’assises. Le caractère privé du phénomène des filles placées est un obstacle à tout contrôle. A première vue, une fille placée est comme un enfant de la famille. Le drame qu’elle endure fait partie de la normalité ambiante.

Les filles domestiques, âgées généralement de 10 à 15 ans, sont privées de loisir, d’école et de l’affection de leurs parents. Cette misère affective, les pousse souvent, vers 14 ou 15 ans, dans les bras du jeune mécanicien ou menuisier du coin. La suite, c’est une grossesse précoce non désirée et leur renvoi au village d’origine où elles vont accoucher d’un mort né et d’une fistule obstétricale.

Au cours des plénière consacrées au projet de loi portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes, les honorables députés ont demandé plus que le vote d’une loi. Ils ont plaidé pour des mesures économiques d’accompagnement et une sensibilisation de grande envergure visant le changement des mentalités. Avant de faire le voyage des adwabas, de la brousse lointaine pour la sensibilisation, les représentants du peuple, de la société civile et de l’Etat doivent jeter un coup d’œil chez leurs voisins. Histoire de voir s’il n’y a pas de petites esclaves qui y souffrent en silence.

Khalilou Diagana
khalioubi@yahoo.fr


Nouakchott Info

Talibés mendiants : L’interminable crime



Le premier octobre, les écoliers mauritaniens ont repris le chemin des classes. Les talibé mendiants, eux, continuent à courir les rues, à vivre de a pitié des autres.

AD est âgé de 5 à 6 ans. Il porte une chemise et une culotte usées. Il tient un pot de tomate vide. Il est maigre, a une grosse tête, un gros ventre. Bref, tous les symptômes de la malnutrition. On le rencontre devant les banques, les boulangeries, les restaurants, les feux de signalisation. C’est un élève coranique appelé talibé, Almoudo. Il vit de mendicité. Des comme lui, il y en a des centaines à Nouadhibou, Nouakchott, Kaédi, Boghé, Rosso

Les ONG qui s’occupent de l’enfance le classent " enfant dans la rue " et non " enfant de la rue ". Avant l’introduction de l’école " moderne " en Mauritanie, tous les enfants allaient à l’école coranique et y étudiaient à des heures ponctuelles dans les localités où résident leurs parents. Les enfants du milieu Poular résidant au Fouta (Vallée du fleuve) mendiaient mais, seulement aux heures de repas. C’était, dit-on, un moyen pour leur inculquer les valeurs de modestie, d’humilité.
Cette condition ainsi décrite, contraste radicalement avec le sort réservé aux talibés actuellement dans les grands centres urbains.

Une étude réalisée en 2001 par Mohamed Ould Lafdal, éducateur et Mohamed Ould Hmeyada, sociologue pour le compte de l’UNICEF sur " la situation des enfants talibés (Almoudos) en Mauritanie " renseigne sur les origines ethniques et sociales et les conditions de vie de ces enfants. L’étude qui a touché 120 enfants, 70 parents et 25 maîtres coraniques a été effectuée à Kaédi, Rosso, Nouakchott et Boghé. Au sens de cette étude " l’enfant talibé mendiant est l’enfant placé par ses parents chez un maître de coran qui l’enseigne et le charge d’autres activités dont essentiellement la mendicité. "

Il ressort de l’étude que 33, 9% des 120 enfants interrogés sont de nationalité sénégalaise et 2,6% ignorent la leur. On est ainsi loin du talibé qui après les séances d’apprentissage du coran regagnait paisiblement ses parents. Compte tenu de la dimension transnationale des marabouts, il est quasiment sûr que de petits mauritaniens âgés de 5 à 6 ans, crasseux, affamés et munis d’un pot de tomate, ça court les rues de Dakar, Saint-Louis ou Thiès.

Etre séparé de ses parents à cet age est le pire des torts fait à ces enfants. C’est une rupture affective qui les marque pour le restant de leurs jours. Et quand on sait que pour la personnalité future tout se joue à cet âge, on a une idée de ce qui adviendra de ces petits talibés.

Origine ethnique des almoudos
L’enquête fait ressortir que plus de 90% des talibés mendiants sont d’origine Poular. Cette situation serait due à l’aura dont jouissent les marabouts dans cette communauté.
L’apprentissage des sciences islamiques y est aussi un moyen d’ascension sociale. La qualité de Torodo (noble lettré) s’acquiert généralement par l’apprentissage du coran. Seulement, de l’avis de certains, ceux qui jouissent actuellement du statut de grand marabout respecté le tiennent plus de la naissance que de leur condition de mendiant durant l’enfance.

Il ressort de l’étude que l’idée de talibés majoritairement orphelins ou issus de parents divorcés est fausse. Seul 5,2% des 120 enfants ont perdu les deux ou l’un de leurs parents. Les parents de 67% d’entre eux vivent ensemble et 27% ont divorcé. On ne peut s’abstenir de nous demander ce qui peut pousser un père et une mère à se séparer de leur enfant âgé de 5 à 6 ans pour le placer chez un marabout où il va endurer toutes sortes de souffrances et de privations.

Plus que le souci d’assurer à l’enfant une éducation religieuse complète, c’est la crise économique qui est à l’origine de ce placement. Confier un enfant ou des enfants qu’on ne peut plus nourrir, surveillé, éduqué…à un marabout est une façon très commode de se décharger tout en gardant la conscience tranquille. Comme le marabout, lui même, est frappé de plein fouet par la crise, seuls les restes de repas des ménages s’offrent aux enfants.

Le désert affectif, obstacle à l’apprentissage

Il ressort de l’enquête que 92% des talibés dorment chez leurs maîtres. C’est cette attache qui fait qu’ils sont classés " enfants dans la rue " et non " enfant de la rue ". Ces talibés ne retournent chez leur marabout que tard dans la nuit pour dormir. Le matin, très tôt, ils reprennent le chemin des stations d’essence, banques et marchés pour aller tendre la main. C’est pourquoi, du point de vue des conséquences de la rue sur les enfants, cette distinction (enfant de la rue ou enfant dans la rue) est insensée.

La finalité des conditions insoutenables infligées à ces petits enfants est, dit-on, l’apprentissage du coran. Or, l’enquête fait apparaître que " leur niveau coranique en général est bas par rapport à leur âge et rare sont ceux qui sont relativement avancés. Aussi, ils ne récitent pas en grande partie, les versets qu’ils ont appris. "

Il ne pourrait en être autrement. D’abord, le temps qu’ils passent dans la rue ne laisse pas beaucoup de place pour l’apprentissage. Ce que ces enfants apprennent ce n’est pas le Coran mais l’art d’attendrir les automobilistes au stop. Peu de gens en effet, restent insensibles au ton volontairement pathétique qu’ils prennent pour susciter la pitié. La pièce que le passant tire de sa poche et remet à l’almoudo n’est pas de la charité. C’est une démission. C’est s’accommoder, accepter, cautionner le calvaire qu’il vit. Il va sans dire que ces petits mendiants, d’une façon ou d’une autre, durant toute leur vie, useront du raccourci de la main tendue pour vivre. Ils n’ont appris que ça.

Ensuite, les almoudos ne peuvent pas être performants en Coran parce que -tous les éducateurs le savent- un apprenant, pour l’être doit manger à sa faim, dormir au chaud et surtout jouir de l’affection de ses parents. Le talibé, lui, du fait de la rupture précoce avec ses géniteurs, vit dans un désert affectif, obstacle à tout apprentissage.

Intérêt supérieur de l’enfant
En dépit des souffrances inutiles qu’endurent ces enfants, il est des gens qui, au nom d’un prétendu souci d’ancrage dans les valeurs traditionnelles, plaident le maintien de ces écoles à fabriquer des mendiants. Les Talibés mendiants, pour certains, c’est bien tant que ce sont les enfants des autres qui courent les rues.

Le sort fait à ces pauvres petits innocents est une interminable violation de la convention internationale des droits de l’enfant. Cette convention, ratifiée par la Mauritanie, fait de l’intérêt supérieur de l’enfant une donnée essentielle. Il ressort de cette convention que toute décision le concernant doit tenir compte de son intérêt supérieur. Est-il dans l’intérêt d’un enfant d’être séparé de ses parents à l’age de six ans, de mendier pour vivre, d’être privé de l’école fondamentale ?

L’école " moderne " n’est nullement incompatible avec l’apprentissage du coran. Autrement, aucun mauritanien n’aurait fait les bancs. Pour qu’un enfant puisse devenir un adulte normal, pouvant s’adapter et s’insérer dans la société, il lui faut un minimum d’instruction par le canal de l’école primaire. Et pour qu’il puisse vivre sa religion et la pratiquer, il doit apprendre le coran par le canal de l’école coranique. Prendre en compte l’intérêt supérieur du petit mauritanien, c’est lui permettre de cumuler les deux apprentissages.

Khalilou.B.Diagana